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article écrit en collaboration avec Jacqueline Lorthiois

mis à jour le 24 août 2022

 

On ne le répétera jamais assez : le projet du Grand Paris Express (GPE) est fondé sur des postulats, des illusions et des mythes, tels les gains de temps de trajet, la maîtrise de l'étalement urbain et la densification autour des gares. Même l'attractivité territoriale s'avère être un mythe. En toile de fond de la doctrine de la Société du Grand Paris (SGP), on trouve des idées reçues qui ont la peau dure :

Dans l'incessante fuite en avant engagée depuis une bonne douzaine d'années, la ligne 18 a dès le début été estampillée par la presse comme la moins pertinente de tout le réseau GPE, la ligne 17 Nord occupant la deuxième place dans le palmarès des lignes inutiles voire nocives.

 

Dans le cadre de la seconde enquête publique modificative sur la ligne 18, la SGP a publié de nouveaux chiffres pour les évaluations socio-économiques de l'ensemble des lignes du Grand Paris Express (GPE).

Rappelons que

Nous avons déjà amplement critiqué l'évaluation socio-économique de la ligne 18 lors des enquêtes publiques modificatives de 2020 et de 2021. Celle de 2020 a d'ailleurs donné lieu à un recours en Conseil d'État, déposé par huit unions d'associations sous la houlette de FNE Île-de-France.

À présent, notre analyse détaillée de l'évolution des évaluations socio-économiques de l'ensemble des lignes du GPE révèle d'étranges dérives : alors que les lignes 18 et 17 Nord étaient initialement les moins rentables de toutes, elles se parent désormais d'un bilan socio-économique beaucoup plus favorable que ceux de toutes les autres lignes : celui de la ligne 18 a augmenté de 1875 %, celui de la ligne 17 Nord de 745 % ! Pour cette dernière, c'est encore plus étonnant que pour la première, sachant que, depuis son évaluation initiale, ses perspectives se sont assombries du fait de l'abandon du mégaprojet EuropaCity et du déclin, sans doute durable, du trafic aérien qui a justifié l’abandon du Terminal T4, prévoyant 30 millions de passagers supplémentaires.

 

Il semblerait donc que nous ayons affaire à une manipulation des chiffres, laissant planer de forts doutes sur la sincérité des évaluations socio-économiques de la SGP.

 

Ce soupçon est renforcé par une série d'analyses minutieuses de Jacqueline Lorthiois portant sur les chiffres de populations et de travailleurs desservis affichés par la SGP pour les lignes 17 et 18.

Les constats sont les suivants :

1/ Des doubles comptes dans le cas de connexion de plusieurs lignes

Par exemple, la gare « Aéroport d'Orly » est une station d'interconnexion, à la jonction de la ligne 14 Sud Paris-Orly et de la ligne 18 Orly-Versailles. La SGP compte le même chiffre de 173 000 habitants desservis, au départ de chacune des deux lignes ! De même, la population de la ville de Saint-Denis (110 000 habitants) est comptabilisée à la fois pour les lignes 14 Nord, 15 Ouest, 15 Est, 16 et 17 !

2/ Des estimations abusives de populations et de travailleurs le long des lignes

Généralement, les experts des transports prennent en compte les populations desservies dans un rayon de 800 m autour d'une gare, la SGP l'élargit à 1 km. Mais le plus contestable est que la SGP comptabilise la totalité de la population d'une commune traversée... surtout si cette localité est étendue (ainsi, la gare Triangle de Gonesse est à 6,5 km des habitations les plus éloignées).

2.1. Pour la gare d'Orly de ligne 18, on constate la prolifération d’usagers fantômes : on cherche vainement les 173 000 habitants indiqués par la SGP ; il faut dépasser 3 km de la station pour trouver 40 000 habitants…. Pour les populations éloignées, il n’est nullement question d’un transport de rabattement, qui remet pourtant en cause les gains de temps, calculés de gare à gare.

Voir l'article Ligne 18 - Intox 1- Gare d’Orly : les 173 000 introuvables habitants desservis.

2.2. Dans le cas de la ligne 17 Nord, quatre gares sur six n'ont aucun habitant dans un périmètre d’un km. Les populations des communes traversées sont prises en compte dans leur totalité. De fait, leur nombre est à diviser par 10, dans le cas de l’ensemble de la ligne 17 : il passe de 565 000 habitants affichés à 58 000 en réalité. Il faut 100 habitants + emplois à l’hectare pour justifier une ligne de métro : la 17 Nord n’atteint que 6 habitants + emplois /hectare, pour la ligne 18 Ouest ce taux est de 49 en y incluant Versailles.

Voir l'article Ligne 17 - Intox 2 : 17 Nord, demande dérisoire ; 17 Sud, pléthore d'offres.

2.3. Pour justifier les deux gares de Roissy, CDG 2 et CDG 4, la SGP mentionne « 132 000 emplois à terme ». Ce chiffre provient d’une étude effectuée en 2012 commanditée par l’EPA Plaine de France. Elle portait sur les emplois générés par 25 projets envisagés sur le Grand Roissy, dont EuropaCity et l'extension de l'aéroport. Dix ans plus tard, deux seulement sont réalisés, avec 5000 emplois contre 104 000 escomptés.

Voir l'article Ligne 17- Intox 3- 100 000 emplois fantômes pour justifier les gares de Roissy 2 et 4.

3/ Le tracé des lignes 17 Nord et 18 ne correspond ni aux besoins des populations ni à ceux des travailleurs

3.1. La ligne 18 traverse en est-ouest le bassin d'activités d'Orly et le bassin d'emploi de Massy, organisés tous deux nord-sud ; elle devient sud-nord quand la ligne traverse l’extrémité est du bassin d’emploi Versailles/Saint-Quentin organisé est-ouest. Les trois bassins se comportent de façon quasi-étanche. Les échanges sont très faibles entre ces trois territoires : les flux entre bassins sont 21 fois moins importants que les flux internes à chaque bassin.

Voir l'article Ligne 18 – Intox 2- L’incohérence de relier 3 bassins totalement disparates, qui dresse un réquisitoire implacable contre les motivations, hypothèses et chiffrages qui tendraient à justifier la ligne 18...

3.2. Une ligne radiale en périphérie comme la 17 Nord ne dessert pas le territoire, elle le vide.

Voir l'article Ligne 17 N- Intox 1 : une radiale en périphérie ne dessert pas l'espace, elle le vide.

4/ Cette offre de grands axes traverse les territoires sans les desservir, alors que des transports de proximité feraient du cabotage de ville en ville

Les gares sont si distantes les unes des autres (3 km en moyenne et jusqu’à 8 km, ce qui constitue un record mondial pour une ligne de métro), qu’elles nécessitent le plus souvent un moyen de rabattement pour y accéder ou en partir. 

Dans une fièvre de béton, les maires accueillent n’importe quelles entreprises sur leur commune, sans aucun rapport avec les besoins de la main-d’œuvre locale. Aucune importance, croient-ils : il y a des transports qui permettent d’aller travailler ailleurs.

Résultat : la prolifération de villes dissociées dont Gonesse est un excellent exemple. Les emplois y sont occupés à seulement 10 % par des actifs habitant sur place. Chaque emploi génère en moyenne 3 déplacements en flux croisés de travailleurs qui viennent occuper un poste et de résidents qui quittent leur commune pour aller travailler. Ce qui entraîne une explosion des distances parcourues et des GES émis. Cherchez l’erreur !

Voir l'article Gonesse ville dissociée : l'habitant n'y travaille pas, le travailleur n'y réside pas.

 

Tous ces chiffres faux permettent à la SGP de justifier 22,5 milliards d'Euros d’obligations dites vertes sur les soi-disant milliers d’habitants dissuadés de prendre leur voiture et sur les gains de temps obtenus par des usagers qui n’existent pas !!

 

N.B. Depuis la publication initiale de cet article,