Nous avons réalisé un document présentant des réponses à des questions souvent posées au sujet de la desserte du plateau de Saclay.

Cette initiative est inspirée par le fait qu'en la matière, les organismes d'Etat, tels la SGP et l'EPPS, ainsi que le gouvernement, continuent de colporter des contre-vérités, fondées sur des illusions en matière de mobilités et d'aménagement urbain.

On fait feu de tout bois pour nous vanter l'utilité et les mérites du projet de métro de la Ligne 18 du Grand Paris Express. "La ligne 18 est évidemment indispensable au désenclavement du plateau de Saclay, parce qu’elle seule permettra de relier des pôles importants entre eux et au reste de la métropole" peut-on lire, par exemple. Ou encore : "C'est la colonne vertébrale d’un nouveau système de mobilité qui est à repenser dans sa globalité pour offrir des alternatives à l’usage de la voiture individuelle à un maximum de Franciliens".

Il faut toujours se méfier des évidences qui font l'économie de leur démonstration : il s’agit presque toujours de croyances, n’exigeant pas d’autre justification que leur simple affirmation. Il peut aussi s'agir d'une conception du pouvoir qui veut plus séduire qu’en appeler au discernement critique des citoyens.

Plusieurs méprises sous-tendent ces affirmations :

  • L'idée qu'on a besoin du Grand Paris Express en général, et de la Ligne 18 en particulier, pour relier entre eux des pôles de développement. C'est une ineptie ! Si c'est pour que des employés puissent rendre visite à des collègues situés dans d'autres pôles que les leurs, il faut se rappeler que ces déplacements travail-travail ne représentent que 3 % du total des déplacements. C'est d'ailleurs logique car s'il en était autrement, cela impliquerait une très mauvaise organisation du travail et/ou l'incapacité de se servir des moyens de communication électronique actuels. Si c'est pour que des gens puissent habiter dans une agglomération et travailler dans une autre, on met la charrue avant les bœufs sur le plan de l'aménagement urbain, où le but recherché en priorité est de réduire les distances entre lieux de résidence et de travail. Contrairement aux agglomérations de province de quelques centaines de milliers d'habitants, la région parisienne est beaucoup trop grande pour pouvoir constituer un bassin d'emploi "unifié" : tout emploi de l’aire urbaine n’est pas accessible depuis chaque habitat de la même aire urbaine en un temps suffisamment faible pour une suffisamment grande proportion de personnes. Aussi, l'idée évoquée par Christian Blanc, que le Grand Paris Express fonctionnera comme un réseau sanguin irrigant toute la région francilienne, relève-t-elle du fantasme.

 

  • Une vision simpliste du rôle des transports dans nos systèmes urbains. Croire que les transports ne servent qu’à se déplacer relève d'une approche purement microéconomique. À l’échelle individuelle, c’est en effet leur utilité première, mais à l'échelle macroéconomique ils ont une autre utilité tout aussi importante : celle d’organiser – ou de réorganiser et parfois de désorganiser – les localisations des acteurs urbains (ménages, entreprises, institutions, commerces). Considérer que l’organisation des déplacements ne sert qu’à pouvoir aller d’un point à un autre en un minimum de temps et à moindres frais, revient à regarder la société comme un système statique constitué d'acteur qui n'ont aucun lien entre eux. Or en réalité, ces acteurs sont toujours en concurrence au sein des différents marchés urbains (foncier, immobilier, emplois, services) et le fait de pouvoir aller vite d’un point à un autre à moindre coût, accentue cette concurrence. Cela se répercute sur la performance économique du système urbain, tend à aggraver les inégalités sociales, et peut aussi susciter des agressions à l’environnement. 

 

  • Une vision tout aussi simpliste, qui provient da la même mécompréhension de l'organisation urbaine, que le but essentiel d'une infrastructure de transport est de faire gagner du temps au plus grand nombre. Cet indicateur "gain de temps" pour apprécier l'utilité d'une infrastructure nouvelle est omniprésent sur le site de la SGP. Or, il a été constaté empiriquement qu'en ville ce gain n'est pas durable car il est absorbé par les acteurs urbains qui profitent de la vitesse de déplacement accrue pour se déplacer davantage – en particulier pour se relocaliser, d'où un étalement urbain accentué –, si bien que le "budget temps de déplacement" reste à peu près constant et dépend seulement de la taille de l'agglomération. Ce phénomène, connu sous le nom de "conjecture de Zahavi", s'observe aux quatre coins du globe ; le graphique ci-dessous l'illustre pour l'Île-de-France. Ses conséquences ont été étudiées dans différents ouvrages de l'urbaniste Marc Wiel, qui, dans son dernier livre "Grand Paris – Vers un Plan B", présente un "nouveau regard sur la mobilité".

 Illustration Zahavi IdF

 

  • L'idée naïve que l'implantation d'un métro (ou autre forme de transport collectif) va mécaniquement induire une diminution de la circulation automobile. Là encore, les effets induits de la dynamique urbaine rendent la réalité bien plus complexe que ce que l'on peut penser à première vue. Des études de la DRIEA Ile-de-France montrent que l'essentiel des évolutions d'usage des transports publics et de la voiture ne dépend pas de la réalisation, ou non, du Grand Paris Express, mais plutôt des hypothèses de croissance de la population et des emplois. La comparaison à horizon 2035 des usages avec ou sans Grand Paris Express fait apparaître une contribution de ce réseau à la baisse des circulations automobiles de seulement 0,5 %. En outre, en prenant en compte les prévisions de croissance démographique en Ile-de-France, la DRIEA estime que le Grand Paris Express ne permettra pas d’éviter l'augmentation du nombre de déplacements routiers par rapport à la situation actuelle et que la saturation du réseau routier risque donc de s’aggraver, entraînant une diminution de l’accessibilité routière ainsi qu’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques. A cela s'ajoute le fait que le plateau de Saclay est une zone très peu dense, où les transports collectifs auront toujours du mal à concurrencer économiquement le service de déplacement de porte-à-porte que procure la voiture.