Le 1er juin 2017, s'est tenue sur le campus universitaire à Bures-sur-Yvette, une conférence-débat publique sous le titre "Paris-Saclay, l'envers du décor", organisée par un ensemble de mouvements associatifs.

L'ensemble des interventions est présentées sur ce site.

Particulièrement intéressante et instructive fut la présentation de Françoise Verchère, figure de proue de l'opposition à l'aéroport de Notre-Dame des Landes, qui résume de façon éloquente les dysfonctionnements dans les procédures de consultation du public dans le cadre des projets entrepris par les acteurs publics. Ces procédures ont toute l'apparence d'un fonctionnement démocratique, mais la réalité est tout autre.


Cette présentation se réfère à une longue liste de "grands projets inutiles et imposés" (dont la Ligne Maginot est un ancêtre emblématique), mais en fait on retrouve ces dysfonctionnements à tous les niveaux de la stratification institutionnelle, y compris au niveau communal.

Voici les principaux chapitres de l'exposé de Françoise Verchère.

Défauts structurels des procédures actuelles du débat public et des enquêtes publiques :

  • Postulat de l'utilité publique, présentée comme un objectif non négociable
  • La pratique omniprésente du "saucissonnage", fragmentation d'un grand projet en plusieurs projets plus petits, traités séparément sans prendre en compte leur impact cumulé
  • L'impact environnemental : non valorisation de la destruction irréversible des terres agricoles et naturelles
  • Évolution d'un projet : pratique de soumettre à enquête un projet minimal, qu'on transforme en projet maximal au cours de sa réalisation, évolution qui échappe à tout débat
  • Non prise en compte des avis d'enquête, qui ne sont que consultatifs
  • Périmètre des enquêtes et accessibilité aux documents, souvent très épais et très techniques
  • Manque d'indépendance de l'étude environnementale, financée par et faite pour le porteur du projet par un bureau d'étude
  • Recours juridiques non suspensifs, donc possibilité qu'un projet soit jugé illégal après sa réalisation, d'où l'émergence des "zones à défendre"
  • Manque d'évaluation a posteriori des procédures

Manquements à l'éthique :

  • Conflits d'intérêt dans les commissions d'enquête publique, les contre-expertises
  • Manque de transparence : dossiers non fournis ou oblitérés
  • Mensonges purs et simples
  • Refus de prendre en compte une contre-expertise et de la confronter aux hypothèses du projet
  • Rapports avec les élus et les autorités administratives, qui prennent position sur un projet avant même qu'il soit soumis à enquête publique

Règles d'or pour une vraie démocratie :

  • Reconnaître la place des citoyens, leurs compétences, leur capacités à produire des analyses et des propositions alternatives
  • Mettre en pratique une transparence totale
  • Fonder les décisions sur l'objectivité et la vérité et impliquer la responsabilité des acteurs, qui n'encourent aucune sanction lorsqu'ils lancent des projets qui échouent et/ou gaspillent l'argent public

Propositions avancées :

  • Ne faire porter le premier temps de l a concertation que sur l'expertise du besoin censé justifier le projet
  • Intégrer l'analyse environnementale globale au moment de la comparaison entre les différentes solutions
  • Déconnecter financement des études environnementales et donneur d'ordre
  • Rendre suspensifs les recours juridiques contre les divers arrêtés, notamment en cas d'impact irréversible
  • Lutter contre tout conflit d'intérêts
  • Sanctionner les manipulations et mensonges, en engageant la responsabilité personnelle des différents acteurs
  • Demander aux assemblées d'élus de ne pas se prononcer avant d'avoir entendu, de manière formelle, solennelle et sérieuse, les différents points de vue
  • Interdire l'utilisation de l'argent public pour des actions de communication ou affecter les mêmes montants à l'ensemble des mouvements d'opposition
  • Faire en sorte que le vote éclairé soit une réelle obligation

Ces propositions n'ont pas été reprises dans le rapport d'Alain Richard de mai 2016 consacré à la concertation.

Raisons du blocage, quatre grands défauts :

  • L'incapacité de travailler de façon collective
  • Le couple infernal associant technostructure et politique, où se rencontrent deux rêves, engendrant des projets funestes pour la collectivité
  • Le "piège abscons" : une fois engagé dans une voie, quasi-impossibilité psychologique de sortir de cette voie et de faire machine arrière, même lorsque la preuve est fournie que cette voie est sans issue
  • Le refus de partager le pouvoir : dès leur élection, les élus se sentent omniscients et ne peuvent admettre qu'il y ait des citoyens éclairés qui en savent plus qu'eux sur certains sujets

On retrouve très clairement ces défauts dans le projet Paris-Saclay comme dans celui du Grand Paris Express et de sa Ligne 18.