Le 17 janvier 2018, la Cour des comptes a publié un rapport très fouillé consacré au fonctionnement et les perspectives de la Société du Grand Paris (SGP) instaurée par la loi dite du Grand Paris du 3 juin 2010 pour réaliser le réseau de métro Grand Paris Express (GPE). Le même jour, ce rapport a été présenté à la Commission des finances de l'Assemblée nationale par le premier président de la Cour, M. Didier Migaud, puis le 6 février à la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat par Mme Catherine de Kersauson, présidente de la 2ème Chambre de la Cour des comptes.
Dans son article Les aventures du Grand Paris Express, l'urbaniste Jean-Michel Roux avertit : "La lecture de ce document ne convient qu’aux âmes bien trempées"...
Un rapport cinglant sur un dérapage vertigineux
Ce rapport met en évidence que le coût global du réseau GPE a été très largement sous-estimé : évalué à 19 Md€ en 2010, il est passé à 22,63 Md€ en 2013, à 25,14 Md€ en début 2017 et à 38,48 Md€ fin juillet 2017 (toutes valeurs en € 2012) ; le dernier montant inclut des contributions de la SGP à hauteur de 3,4 Md€ à des projets autres que le GPE, notamment le projet EOLE (RER E). La Cour fait d'ailleurs remarquer que l'évaluation initiale était fantaisiste au point que « la SGP n’a pas pu en fournir les bases de calcul à la Cour, et les provisions pour aléas et imprévus qu’elles intégraient étaient très inférieures à ce qui est recommandé pour des travaux de cette nature. »
En conséquence de cette évolution vertigineuse des coûts estimés, alors même que les travaux du GPE n'en sont qu'à leurs débuts, la Cour des comptes a évalué les frais financiers de la SGP sous différents scénarios. Or, dans l'hypothèse où le montant de 38,48 Md€ serait le coût de réalisation définitif, les frais financiers à payer par la SGP seraient quadruplés, pour atteindre près de 134 Md€ et l’échéance de remboursement complet de la dette serait reporté de 25 ans, de 2059 à 2084. Mais il s'agit là d'un scénario très optimiste ; dans d'autres scénarios – nullement invraisemblables – examinés par la Cour, le modèle financier de la SGP devient totalement insoutenable : la SGP ne pourrait jamais rembourser sa dette.
Des estimations de coût largement sous-évaluées
La Cour relate, dans une section intitulée « Une situation initiale des coûts du projet sans référence précise » (pages 34-35), que les experts indépendants désignés par le Commissariat général à l'investissement (CGI) ont demandé en vain à la SGP de leur fournir les éléments chiffrés de l'évaluation initiale des coûts du GPE. La Cour ajoute :
« La Cour ayant, à son tour, demandé à la SGP comment avaient été établies les évaluations initiales s’est vu répondre : "le chiffrage du projet, notamment pour la partie génie civil, a été établi sur la base de prix d’ordre, ou de prix forfaitaires, résultant de la comparaison avec les coûts définitifs de projets réalisés similaires".
Mais la SGP n’a été capable de ne présenter aucune analyse faite à l’époque pour passer des coûts définitifs de projets similaires aux coûts prévisionnels du Grand Paris Express. Ce refus – ou cette incapacité – réitéré de fournir les bases de calcul des estimations initiales fait peser un doute important sur leur fiabilité et sur l’existence même des références que la SGP invoque.
Ce sont pourtant ces estimations qui ont été à la base de la fixation par le Gouvernement du coût d’objectif du Grand Paris Express en mars 2013. »
De même, dans la section « Une croissance des coûts en partie masquée par une valorisation très insuffisante des risques et aléas », la Cour relève (page 42) :
« Interrogée par la Cour, la SGP n’a pas été en mesure d’indiquer quels étaient les "projets d’infrastructures similaires" pris comme références ni de fournir les documents d’experts montrant le raisonnement ou le mode de calcul qui avait conduit au taux de 20 % [de provisions pour aléas et imprévus] à partir de l’analyse de ces références et des mesures prises pour réduire les risques. »
ou encore (page 42) :
« Alors même que le projet de Grand Paris Express est d’une complexité exceptionnelle et qu’il est porteur de très nombreux risques, la SGP a donc retenu à l’origine des taux de provisions très en deçà des normes recommandées par les services techniques de son ministère de tutelle (le CETU).
Mais surtout, la SGP a ensuite abaissé ces provisions à des niveaux non crédibles et potentiellement insincères en les « consommant » d’environ 12 points au stade l’avant-projet. Ainsi, pour la ligne 15 Sud, une part importante des surcoûts apparus au stade de l’avant-projet par rapport aux études préliminaires a été imputée sur la marge pour aléas, ramenée à 8 % dans l’avant-projet. Le choix de ce taux de 8 %, retenu ultérieurement pour la ligne 16 et la ligne 14 Sud, ne reposait sur aucune analyse des risques ou sur une étude des pratiques utilisées habituellement dans ce domaine. La SGP n’a d’ailleurs pas été en mesure de fournir à la Cour une quelconque justification de fond. Ce choix résulte uniquement du souhait de maintenir le coût prévisionnel de la ligne 15 Sud (interopérabilité à Champigny comprise) en dessous du seuil de 6 Md€ et de masquer au conseil de surveillance et aux tutelles une partie des dérives de coûts. »
En fait, le refus ou l'incapacité de la SGP de fournir les bases de calcul des estimations initiales n'est guère étonnant au regard des déclarations des responsables politiques Maurice Leroy et Jean-Paul Huchon (acteurs emblématiques de l'accord État-Région du 26 janvier 2011, qui se voulait « historique ») au sujet de la réévaluation du coût du GPE par Pascal Auzannet en décembre 2012 :
Grand Paris Express : Huchon parle d'un surcoût de 10 milliards (Libération, 4 décembre 2012) :
« Bien sûr qu’on sait que cette opération sera fatalement plus coûteuse, on le sait depuis le début », a déclaré M. Huchon, parlant d’un chiffre « qui risque d'être de l’ordre de 30 milliards au lieu de 20 milliards ».
« Il semble qu’il y ait eu une erreur dans les calculs de la SGP, c’est qu’ils n’ont compté que leur participation et pas le montant total des travaux », a déclaré M. Huchon.
Le Grand Paris Express coûtera moitié plus (Libération, 16 février 2013) :
Maurice Leroy, l’ancien ministre du Grand Paris qui avait bouclé l’accord État-région créant le Grand Paris Express, confiait hier soir à Libération, que le chiffrage d’Auzannet ne l’a pas surpris : « On a toujours eu en tête l’interopérabilité (…). On savait que le tout serait à 10 milliards de plus mais dans le contexte budgétaire de l’époque, il ne fallait pas dépasser les 20 milliards. Et j’avais une date butoir pour conclure l’accord, le 31 janvier ».
Ces différentes circonstances et déclarations démontrent de manière flagrante l'insincérité, pour ne pas dire la malhonnêteté, des chiffrages par la SGP des coûts prévisionnels, délibérément sous-estimés pour emporter l'approbation du projet par le Gouvernement. Cela en dit long sur la confiance que l'on peut accorder aux autres estimations produites par la SGP, y compris celles de ses évaluations socio-économiques.
Un financement à la dérive, une dette explosive, des risques considérables
La Cour des comptes bat en brèche l'idée souvent énoncée par la SGP que son modèle financier n'a aucune incidence sur les comptes publics. En effet, comme indiqué dans la section intitulée « Une incidence significative sur les finances publiques » (pages 79-82), « le classement de la SGP dans le sous-secteur des administrations publiques en comptabilité nationale a pour effet de classer son déficit en déficit public et l’encours de sa dette en dette publique ». Par conséquent, « la capacité de la SGP à assurer le bouclage financier du projet a une incidence directe sur le niveau de la dette publique. Si l’on s’en tient aux hypothèses médianes sur les coûts et sur les recettes, le poids de la SGP dans la dette publique serait situé autour de 1,1 point de PIB en 2025, de 1,2 point de PIB en 2030 et de 0,7 point de PIB en 2050. »
Dans la synthèse de son rapport, la Cour des comptes résume ainsi les conséquences de la dérive financière (page 11) :
« L’incidence de la SGP sur les comptes publics sera significative. À court et moyen termes, elle pèsera sur la trajectoire de dépenses, de déficit et de dette publics de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. À moyen et long termes, en s’en tenant aux hypothèses médianes sur les coûts et sur les recettes, elle représenterait environ 1,13 point de PIB de dette publique supplémentaire en 2025 et 0,69 point de PIB de dette publique supplémentaire en 2050.
Mais le plus inquiétant reste la forte sensibilité du modèle financier aux différents paramètres, qui conduit à s’interroger sur la capacité de la SGP à amortir sa dette. Ainsi, une variation même limitée du coût des travaux, du rendement des taxes fiscales, des taux d’intérêt ou de l’indice du coût de la construction pourrait alourdir très fortement la charge que constituent les frais financiers et reculer la dernière année de remboursement au-delà de 2100, voire faire entrer la SGP dans un système de dette perpétuelle. Si les recettes fiscales affectées par l’État lors de la création de la SGP paraissaient suffisantes pour amortir la dette au regard de l’estimation des coûts du projet réalisée en 2010 ou en 2013, ce n’est déjà plus le cas selon l’estimation actuelle qui entraînera un alourdissement considérable des frais financiers. Cela ne le serait plus du tout si les hypothèses défavorables évoquées plus haut se réalisaient. L’État doit donc arbitrer entre les différents scénarios permettant de rétablir la soutenabilité de long terme de la dette de la SGP. »
La Cour montre que le modèle financier de la SGP est non seulement très sensible aux coûts des travaux, mais aussi à la dynamique du produit des taxes affectées à la SGP. Les recettes fiscales de la SGP sont de trois sortes : l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), la taxe spéciale d’équipement Grand Paris (TSE) et la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSBCS). Les recettes provenant de la TSE et de l’IFER sont certaines et affectées exclusivement à la SGP. En revanche, celles de la TSBCS, qui pèsent les plus lourdes dans la balance, ne sont que partiellement affectées à la SGP (321 M€ sur un total de 670 M€ en 2016) et sont beaucoup plus volatiles du fait de la composante stock de surfaces prévisionnel en Île-de-France et de l'évolution de l’indice du coût de la construction, des facteurs sur lesquels la SGP n'a aucune prise. Ces recettes risquent d'être imprévisibles pendant toute la durée de vie de la dette de la SGP, ce qui n’est pas concevable et on peut douter que ce soit conforme au droit public. La SGP se montre exagérément optimiste en prévoyant une hausse moyenne du produit annuel de la TSBCS de 3,9 % sur la période 2017-2030. La Cour montre que ces aléas sont susceptibles d'aggraver de façon substantielle la dette et les frais financiers, repoussant du même coup la date d'amortissement complet de la dette.
Quant aux recettes non fiscales de la SGP, elles reposent essentiellement sur une redevance annuelle que devrait verser Île-de-France Mobilités (ex-STIF) à la SGP à compter de 2022 au titre de la rémunération pour l’usage des lignes, ouvrages et installations du GPE. La Cour des comptes décrit bien les atermoiements concernant cette redevance non décrétée depuis 2011, dont le produit annuel est estimé à 200 M€ et davantage en cas d'indexation. Son taux n’est pas fixé et on ignore s'il sera indexé ou non. Île-de-France Mobilités conteste le principe de cette redevance, qui soulève des interrogations. Peut-on l’analyser comme un péage ? Si elle est retenue dans le cadre du bouclage global du plan de financement d'Île-de-France Mobilités en cours de négociation avec l’État, cette redevance pourra-t-elle être répercutée sur les opérateurs choisis à l’issue de chacun des appels d'offre initiés à l’échelle européenne ? Ne risque-r-elle pas d’être en infraction avec les règlements européens ?
Il y a un véritable problème avec le financement d’Île-de-France Mobilités. La SGP n’assurera que le financement de l’investissement initial du réseau GPE et l'entretien de ses gares. Île-de-France Mobilités assure la charge de son exploitation comme elle le fait pour les réseaux existants. Cet organisme a donc la responsabilité du choix des exploitants à l’issue des appels d'offre et du financement de l’exploitation non couverte par les recettes commerciales usuelles du trafic.
En effet, la Cour des comptes pointe « de fortes incertitudes sur les coûts d’exploitation du nouveau réseau » (page 30) et observe que « Le STIF estime que le coût d’exploitation du réseau du Grand Paris Express représente une charge annuelle supplémentaire de 1 Md€ à compter de 2030, dont 800 M€ au titre du financement de l’exploitation et 200 M€ au titre de la redevance d’exploitation à verser à la SGP. Ce montant se cumulerait aux quelque 5 Md€ consacrés annuellement par le STIF au financement de l’exploitation du réseau actuel, principalement exploité par la RATP et par la SNCF. » (page 67).
Le plan de financement d'Île-de-France Mobilités est en négociation entre celui-ci et l’État. Eu égard aux contraintes budgétaires fortes de l'État, de la Région et des autres collectivités territoriales, il est à craindre que le bouclage de ce plan nécessitera une très forte augmentation des recettes commerciales et donc, une hausse sensible de l’ensemble de la tarification, principalement des pass Navigo. De plus, le GPE couvre principalement des zones déjà équipées en transports type zone Navigo, si bien que les nouveaux itinéraires n’entraîneront pas un afflux de nouveaux abonnés et ne produiront donc pas de nouvelles recettes significatives. La SGP ne livre d’ailleurs aucune précision sur ce point et encore moins en ce qui concerne la Ligne 18.
Au total, le modèle financier de la SGP – reposant sur l’endettement et en grande partie sur un refinancement de cet endettement, ce qui entraîne une accumulation des frais financiers et commissions versées aux intermédiaires chargés des placements obligataires et un allongement des maturités – fait courir un ensemble de risques : risque de taux, risque de liquidité et d’accès au marché et risque de marge actuarielle (« spread »), en fonction de la qualité de la signature de l’État français garant de la SGP.
Le graphique ci-dessous (présenté également en page 74 du rapport de la Cour) illustre la dangerosité de la trajectoire financière potentiellement explosive de la SGP.
Surchauffe des marchés techniques
Un facteur aggravant, également mis en évidence par la Cour des comptes, est que la construction plus ou moins simultanée de toutes les lignes du GPE, ainsi que le prolongement de certaines lignes de métro, entraînera une saturation des marchés (notamment ceux de l'ingénierie ferroviaire, du génie civil et des tunneliers et autres travaux souterrains) – tant sur le plan des ressources humaines que sur celui des ressources matérielles –, ce qui entraînera mécaniquement une augmentation des prix et fait courir des risques de faible concurrence, voire de pratiques anticoncurrentielles. Selon les termes du rapport de la Cour (pages 53-54) :
« Il convient enfin de noter le risque de surchauffe, et donc de renchérissement, que crée le calendrier de construction des lignes. L’évaluation des coûts d’investissement a, en effet, été faite séparément pour chacun des sept projets soumis à enquête publique. Elle n’a pas pris en compte le fait que ces chantiers ne seront pas successifs mais en grande partie simultanés puisque, selon le calendrier prévisionnel, les sept projets composant le projet d’ensemble auront une plage de travaux de génie civil commune de deux ans, de mi-2019 à mi-2021.
Il s’ensuivra une pression sur les entreprises de travaux publics qui risque de se traduire par un renchérissement des marchés. Le fait que la construction de la ligne 15 Sud va mobiliser à elle seule dix tunneliers illustre ce phénomène qui serait encore accentué par la mobilisation des entreprises du secteur dans quatre autres très gros chantiers dont deux en Île-de-France : le prolongement de la ligne E du RER à l’ouest (EOLE), la ligne Charles-de-Gaulle Express, le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine Nord. »
À l'appui de ces réflexions, la Cour cite in extenso les conclusions du rapport du Centre d'études des tunneliers de juillet 2017 sur l’accélération de la réalisation des lignes 17 et 18 en vue des Jeux olympiques de 2024. En effet, les contraintes de l'organisation des Jeux olympiques de 2024 viennent encore compliquer le dossier du GPE, la candidature française ayant pris l'engagement de réaliser les lignes desservant les sites de ces JO. La Cour évoque ce sujet en pages 50-53 de son rapport, notant entre autres :
« La question se pose maintenant pour les lignes 17 et 18. La SGP a saisi le Premier ministre en janvier 2017 pour lui demander son accord pour mettre en œuvre un plus grand nombre de tunneliers.
Selon le dossier de saisine, les résultats intermédiaires des études d’avant-projet font en effet apparaître des dates de mise en service qui ne sont "compatibles ni avec les échéances des JO de juillet 2024, ni avec l'échéance de l'Exposition universelle de 2025 pour la 17N (hypothèse triangle de Gonesse) ni avec les calendriers initiaux du projet". L’accélération du calendrier de construction obligerait notamment, sur chacune de ces deux lignes, à augmenter le nombre de tunneliers, ce qui induirait un surcoût évalué dans le dossier de 180 à 200 M€ pour la ligne 17 et à 125 M€ pour la Ligne 18.
Outre ces surcoûts auxquels s’expose la SGP dans l’espoir incertain d’une mise en service pour les Jeux olympiques de 2024, l’établissement entend également s’exposer à des risques opérationnels, juridiques et financiers majeurs. Le dossier adressé au Premier ministre en janvier 2017 indique en effet que le calendrier visé "suppose de paralléliser au maximum les études (…) avec les appels d’offres". Cela signifie que les appels d’offres de travaux seraient lancés avant la fin des études.
Une telle façon de procéder, contraire aux règles de l’art, est potentiellement cause d’incidents de chantier, donc de nouveaux risques de dépassement des coûts et de dérapage du calendrier. »
« Dans une étude commandée par la DGITM au printemps 2017 et dont les conclusions ont été rendues le 13 juillet 2017, le Centre d’étude des tunnels (CETU) juge peu vraisemblable le respect des échéances de 2024, même en augmentant le nombre de tunneliers. Il identifie même des risques juridiques, techniques et financiers supplémentaires qui seraient induits par une telle accélération de la réalisation des lignes 17 et 18 en vue d’une mise en service pour les Jeux olympiques de 2024. »
Conclusion : un projet trop ambitieux pour être maîtrisable, au-dessus des moyens de la France, nécessité d'en revoir le périmètre
La Cour conclut ainsi la synthèse de son rapport (page 13) :
« La Cour croit nécessaire d’alerter sur le dérapage considérable du coût prévisionnel du Grand Paris Express, sur les risques qui en résultent pour les finances publiques et sur la fragilité de la situation dans laquelle se trouve la SGP. Si l’instrument garde une pertinence en tant que structure vouée à la conduite d’un très grand projet, son organisation et sa gouvernance présentent des points faibles qui sont autant de handicaps à une mise en œuvre satisfaisante du projet, voire qui font craindre une perte de contrôle financier et opérationnel de celui-ci. À ce jour, la maîtrise des délais et des coûts semble très compromise et il est très peu probable que les objectifs définis jusqu’à présent par le Gouvernement soient tenus. Mais plus inquiétant encore est le fait que les probables surcoûts pourraient avoir un effet démultiplicateur sur les frais financiers à niveau de recettes inchangées, rendant inatteignable l’objectif d’amortissement complet de la dette en 2070. »
Au total, la Cour estime que « la soutenabilité du projet doit être préservée par l’État, ce qui nécessite une révision du périmètre du projet et de son phasage, faute de quoi il serait contraint d’affecter à l’établissement de nouvelles recettes. » (page 122)
Les considérations alarmantes de la Cour des comptes ne sont certes pas spécifiques à la Ligne 18, mais celle-ci y est englobée. Comme sa réalisation est programmée en fin du programme du GPE, le financement de la Ligne 18 devra supporter les conséquences de la dérive des coûts d'autres lignes, telle la ligne 15 sud, dont la complexité a déjà entraîne (et est en train d'entraîner à nouveau) des surcoûts et des délais supplémentaires très conséquents, alors même qu'elle n'en est qu'au tout premier stade de réalisation.
Par ailleurs, la Cour critique sévèrement l'organisation et la gouvernance de la SGP (chapitre « Une gouvernance et une conduite de projet à renforcer », pages 83-119), entre autres parce qu'elle est pieds et poings liés aux sociétés auxquelles elle confie l'assistance à maîtrise d'ouvrage (essentiellement le groupement Artémis), une situation malsaine qui n'est pas sans incidence financière. La Cour recommande de relâcher la limitation du nombre d'employés directs de la SGP. Étant donnés l'ampleur inédite et le stade d'avancement du projet, il est toutefois extrêmement improbable que ces mesures puissent remettre sur de bons rails un projet si mal en point.
Il ne fait guère de doute que la révision du périmètre du projet, prônée avec insistance par la Cour des comptes, va s'imposer d'elle-même et qu'on ne pourra éviter la suppression de son maillon le plus faible, la Ligne 18 !