La Ligne 18 du Grand Paris Express (GPE), qui prendrait le plateau de Saclay en écharpe si elle était réalisée, a été déclarée d’utilité publique par un décret du 28 mars 2017. En 2018; le Conseil d'État a rejeté les deux recours contre ce décret : celui de huit associations sous la houlette de France Nature Environnement Île-de-France et celui des quatre communes riveraines du tracé de la ligne (Saclay, Villiers-le-Bâcle, Châteaufort et Magny-les-Hameaux), qui se trouveraient au premier rang pour subir les nuisances redoutables de ce métro à travers champs.

La Société du Grand Paris (SGP) poursuit donc le projet. À la suite du rapport cinglant de la Cour des comptes sur la SGP et sa gestion du GPE, le gouvernement n'a pas eu le courage de suivre la recommandation de la Cour de réduire le périmètre du GPE, mais il en a redéfini le calendrier, retardant de trois ans la réalisation du tronçon Orly-Saclay, de la Ligne 18.

Une enquête publique complémentaire a eu lieu du 15 juin au 17 juillet 2020. Le dossier d’enquête était consultable et téléchargeable sur un site Internet dédié à cette enquête, qui n'est plus accessible aujourd'hui. La commission d’enquête s'est tenue à disposition du public à Saclay et à Palaiseau. Le public a pu exprimer avis, observations et propositions non seulement dans les registres disponibles dans les lieux mentionnés, mais aussi sur un registre dématérialisé sur le site dédié à l'enquête (fermé depuis la clôture de l'enquête).

 

Objet de l'enquête

Cette enquête publique avait pour but d'apporter trois types de modifications au projet déclaré d’utilité publique en 2017 :

  • « l’inclusion de la gare CEA Saint-Aubin, qui n’était pas couverte par la déclaration d’utilité publique en raison des incertitudes qui pesaient sur les modalités de réalisation de cette gare en lien avec l’évolution des fonctions du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) » ;
  • « les évolutions à la marge du tracé et du profil en long de la section « Est », entre les gares Aéroport d’Orly et CEA Saint-Aubin, incluant notamment une optimisation à la transition souterrain/aérien, résultant de l’avancée des études techniques » ;
  • « la mise à jour des coûts et de la rentabilité socio-économique du projet du Grand Paris Express et en particulier de la ligne 18 ».

La gare CEA Saint-Aubin (improprement nommée puisqu'elle se situerait à proximité du carrefour du Christ de Saclay) était jusque-là située dans la zone de danger et la zone non aedificandi autour du CEA. Le dossier d'enquête une pièce (J.16) contenant un nouveau « porter à connaissance », signé par le préfet de l'Essonne et se référant à un rapport de la division d'Orléans de l'Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) ; les deux zones évoquées y sont remplacées par une seule au périmètre fortement réduit, de sorte que l'emplacement de la gare se trouve juste en dehors.

Les évolutions du tracé sont en effet mineures. Elles nécessitent néanmoins des déboisements supplémentaires sur le territoire de Palaiseau – où une partie de la forêt domaniale a déjà été sacrifiée – notamment au bénéfice d'un agrandissement du centre de maintenance et de remisage (SMR/SMI). Ce centre est spécifique à la Ligne 18, dont le matériel roulant est différent de ceux de toutes les autres lignes du GPE.

La troisième composante de l'enquête est à notre avis la plus importante. Lors de l'enquête publique de 2016, l'Autorité environnementale avait souligné la légèreté et les incertitudes existantes dans l’évaluation socio-économique figurant dans le dossier de l’enquête. Elle avait constaté que l'information fournie n'était pas au niveau attendu pour un dossier d'enquête publique et avait cité le dossier d'enquête, dans lequel la SGP indiquait que le calcul des effets socio-économiques pose « de redoutables problèmes théoriques et pratiques ». Appuyant cette formule, l'Ae avait remarqué qu'elle « souscrit aux remarques faites sur la complexité et les incertitudes pesant sur ces calculs » (pièce J.8 du dossier d'enquête de 2016, reproduite dans celui de 2020 en tant que pièce J.8a)

Or, quatre ans plus tard, ces problèmes théoriques et pratiques sont toujours aussi redoutables ! En 2016, la SGP a déjà dû recourir aux « effets économiques élargis » pour obtenir péniblement un bilan socio-économique (bénéfices-coûts) positif de 0,3 Md€. Mais entre-temps, les coûts ont augmenté de 1,3 Md€ et le bilan serait donc passé dans le rouge, si la SGP n'avait pas profondément remanié son évaluation pour rehausser de 493 % lesdits effets économiques élargis. Ainsi, sous le prétexte audacieux que les incertitudes – notamment sur la réussite de Paris-Saclay – sont désormais levées, le nouveau bilan dépasse de 6 Md€ celui de 2016 !

 

Recueil des avis déposés

Nous passons en revue les avis qui nous semblent les plus pertinents parmi ceux dont nous avons pris connaissance. Il est tout à fait possible que d'autres avis pertinents aient été déposés sans que nous en soyons informés.

COLOS a déposé un avis très défavorable (commenté ci-dessous), de même que l'UASPS et l'UAPNR. Parmi les autres avis déposés par les mouvements associatifs, citons ceux de : ADER, ADEVE, AMAP Jardins de Cérès, ASEM, AUT Ile-de-France, AVB, CEPAL, COURB, Gif Environnement, GRAAL, Moulon2020, Palaiseau Terre Solidaire, SAVE, Terre et Cité, Urgence Saclay et Vivre à Bures.

De nombreuses demandes ont été formulées, telle celle de Caroline Doucerain, présidente de Terre et Cité, pour organiser une réunion publique permettant de débattre sur les aspects obscurs de l'enquête. Bien que la Commission d'enquête y était favorable, la SGP a rejeté c es demandes.

Bien que cela soit en dehors de l'objet de l'enquête, de nombreux avis stigmatisent l'absurdité et la perversité d'un métro traversant le plateau à l'ouest de Saclay.

Certains avis se focalisent sur la problématique de la gare CEA Saint-Aubin : la Commission Locale d'Information (CLI) des installations nucléaires du plateau de Saclay et l'Institut Français des Formateurs aux Risques Majeurs et protection de l'Environnement (IFFO-RME).

À notre connaissance, le seul avis émanant des milieux politiques est celui formulé par EELV Essonne, auquel on peu associer ceux d'Anne Launay et Guy Bonneau (Conseil départemental de l'Essonne) et d'Olivier Paréja (Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines).

À noter également les délibérations très critiques votées par les Conseils municipaux de Saint-Aubin, SaclayVilliers-le-Bâcle et Châteaufort, qui demandent tous que si la Ligne 18 devait être construite, elle n'aille pas au-delà du campus Paris-Saclay. 

Nombre d'avis individuels méritent de retenir l'attention, citons-en quelques-uns :

  • La contribution de Daniel Denis prend de la hauteur pour placer les oppositions contre l'actuel projet d'aménagement du plateau de Saclay dans une perspective historique, rappelant entre autres le Livre blanc sur l'aménagement du plateau, publié en 1975 par des scientifiques du secteur, et la bataille gagnée contre le projet de la même époque d'implanter un laboratoire-usine du groupe pharmaceutique Synthélabo à Saint-Aubin. Les auteurs du Livre blanc considéraient que « la masse critique est près d’être atteinte » et que « la concentration de matière grise à Saclay devient assez unique en France mais elle risque de devenir trop déséquilibrée » ! C'est dire la démesure du projet Paris-Saclay et son décalage d'un demi-siècle avec les enjeux de son époque. Mais pour Christian Blanc, il fallait choisir la Croissance ou le chaos et pour perpétuer la croissance (de toute la France), il fallait faire des clusters, dont à Saclay une « Silicon Valley à la française » censée faire jaillir des startups à la française par centaines chaque année… L'auteur conclut son texte par cette exhortation à revenir à la raison : « Contre les apparences cultivées par les dictateurs de l’urgence, il n’est jamais trop tard pour confier à la société le soin de repenser le problème dans son ensemble à l’aune des visions contemporaines de la situation écologique et démocratique. »
  • À juste titre, Claudine Parayre renvoie au livre « Citoyens de terre contre État de fer – Paris-Saclay, un désastre humain, environnemental et démocratique », dont elle a dirigé l'édition et qui « explicite nombre d’arguments contre ce projet de métro, encore plus d’actualité à l’heure où les finances publiques vont si mal et les besoins d’un autre aménagement du territoire sont si pressants, pour respecter l’activité agricole et stopper la concentration en Ile de France. ». Elle dénonce un véritable scandale d’État : à l'heure où la classe politique loue la capacité s de la récente convention citoyenne à formuler des propositions intelligentes, la parole citoyenne exprimée sur le plateau de Saclay depuis 15 ans est systématiquement ignorée.
  • Dans une suite de contributions, Michel Meunier passe en revue les diverses incohérences, imprécisions et zones d'ombre du dossier d'enquête. Il relève que « alors qu’en novembre 2018 le Premier ministre avait demandé une réduction du coût à terminaison des lignes du Grand Paris Express, la SGP avait mentionné dans sa réponse que la ligne 18 présentait un potentiel d’optimisation de 0,5 milliard d’euros. Et voici désormais cette ligne avec une augmentation de 1,33 milliards sans en changer le tracé. Cinq fois plus que les 250 millions de surcoût d’un souterrain ! »
  • L'agricultrices Cristiana Modica-Vandame déplore les agressions à l'écosystème du plateau agricole, dont celles provoquées par les suppressions des espaces boisés classés favorisant le changement climatique « que nous voyons à l’œuvre depuis six ans et qui nous oblige à retourner des champs, à arrêter certaines cultures, à bouleverser le calendrier des semis et donc à devenir de plus en plus à la merci des éléments devenus incontrôlables. »
  • Jean Valli, médecin, insiste à nouveau sur les défauts des études sur les nuisances sonores, qui sont incomplètes et basées sur des indicateurs (énergétiques et moyennes) incapables de traduire la gêne réellement perçue par les riverains. On note d'ailleurs que dans ce domaine, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a revu à la baisse les limites de tolérance.
  • Le chercheur Christophe Blondel qualifie le projet de « monstrueux », observant que « l’essentiel des déplacements dans la région n’est pas constitué par les allées et venues de chercheurs internationaux qui débarquent de leurs avions … », que « le problème de la desserte véritable des lieux de travail sur le plateau de Saclay n’a pas été appréhendé comme il aurait dû l’être » et que « avec un métro qui vient d’ailleurs et fonce à travers champs sans s’arrêter ou presque, on ne fait que préparer les usagers du quotidien à continuer de devoir prendre leur voiture individuelle, y compris pour les déplacements d’un établissement à l’autre ».
  • Comme lui, Léo Lusardi, doctorant à l'Université Paris-Saclay, estime qu'un transport lourd dans l'axe est-ouest n'est pas pertinent. Il redoute les « lourdes conséquences écologiques et agricoles en entraînant la bétonisation de terres arables de bonne qualité ».

On peut craindre que nombre de ces avis seront disqualifiés comme « hors sujet » sous prétexte que l'utilité de la Ligne 18 a déjà été décidée par le décret de 2017. Ce serait toutefois une erreur, car les arguments avancés ne sont pas neutres au regard du bilan socio-économique de la Ligne 18.

Pour compléter ce tableau, notons encore qur le mouvement Extinction Rebellion a publié une vidéo « Pourquoi se rebeller contre les lignes 17 et 18 du Grand Paris Express ? », mettant en cause, à juste titre, à la fois la ligne 18 et la partie nord de la ligne 17, qui ne desservirait aucun habitant et prendrait en écharpe les terres agricoles fertiles du Triangle de Gonesse (où l'absurde projet de mégacomplexe commercial EuropaCity a été abandonné). Un peu auparavant, Extinction Rebellion a également produit une vidéo « Non à la portion aérienne de la Ligne 18 du GPE ! », donnant notamment la parole à l'agricultrice Cristiana Modica-Vandame, citée plus haut.

Avis de COLOS

L'avis contribué par COLOS se focalise sur cette évaluation socio-économique.

Rappelons que cette évaluation est réalisée par la SGP elle-même, qui est donc juge et partie et on ne peut guère s'attendre à ce qu'elle présente un bilan négatif pour un projet qu'elle a elle-même la charge de réaliser. Afin de diminuer ce biais de partialité, la loi prévoit, pour des projets dont le coût dépasse un certain seuil, que soit effectuée une contre-expertise indépendante. C'est ce qui a été fait pour l'enquête publique principale de 2016 : une contre-expertise a été confiée au Commissariat général à l'investissement (CGI, depuis lors renommé en Secrétariat général pour l'investissement). Le CGI a alors mandaté un groupe d'experts, qui a rendu son rapport en octobre 2015, inclus dans le dossier d'enquête publique (pièce J.10).

Comme nous l'avons mis en évidence en commentant les principaux passages de ce rapport, ce serait un euphémisme de dire que les experts du CGI se sont montrés extrêmement sceptiques sur la pertinence socio-économique de la ligne 18. Leur rapport est carrément défavorable à l'égard du tronçon Saclay-Versailles, tandis que pour le tronçon Orly-Saclay, ils se sont fait violence pour lui accorder le bénéfice du doute en arguant qu'« on ne peut pas totalement exclure que le plateau de Saclay représente une part très importante des bénéfices économiques élargis du GPE » (sic).

Pour la présente enquête publique, l'évaluation socio-économique a été profondément remaniée par la SGP et les chiffres clés ont beaucoup évolué. Pour autant aucune nouvelle contre-expertise n'a été réalisée et dans le dossier d'enquête on retrouve le même rapport de contre-expertise (de nouveau en pièce J.10) que dans le dossier d'enquête de 2016 ! C'est à peine croyable !
Nous estimons qu'il s'agit là d'une faute grave qui disqualifie le dossier d'enquête, Et cela ne concerne pas uniquement la Ligne 18, puisque la pièce H présente également une évaluation socio-économique complètement revue à l'échelle du GPE dans son ensemble, dont c'est à notre connaissance la première publication. Il nous paraît parfaitement anormal que cette mise à jour importante au niveau global soit introduite « par la petite porte » d'une enquête complémentaire portant sur des aspects locaux d'un seul tronçon d'une seule ligne du réseau GPE.

À notre avis, une nouvelle évaluation socio-économique indépendante et impartiale montrerait que la ligne 18 n'est pas pertinente. À l'heure où la crise sanitaire oblige l'État à affronter des dépenses sans précédent, il nous semble que l'intérêt général exige, par conséquent, de suivre la recommandation de la Cour des comptes de réduire le périmètre du GPE, notamment en mettant en œuvre des solutions alternatives aux lignes les moins pertinentes : les lignes 18 et 17 Nord.

Notons au passage que dans son avis, l'Établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS) se sent obligé de voler au secours de la SGP pour affirmer l'utilité du tronçon Saclay-Versailles :


« Il est important de relever que l’estimation de trafic sur la partie ouest de la ligne 18 entre CEA Saint-Aubin et Versailles Chantiers avait été la plus sous-estimée et qu'en réalité cette sous- estimation ne trouvait pas de fondement pertinent, du fait des développements planifiés aux abords des gares et du potentiel de développement de la part modale en transports en commun. Au final, c’est bien la réalisation de la ligne 18 dans son intégralité entre Orly et Versailles Chantiers qui amènera celle-ci à avoir des chiffres de fréquentation élevés et ainsi à justifier toute sa pertinence aussi bien en termes de rentabilité socio-économique que de gains apportés. Les gains engendrés seront tout aussi significatifs pour permettre la pleine réalisation de l’ambition du cluster international Paris-Saclay que pour l’amélioration de la qualité de vie des habitants du territoire qui deviendront moins captif de l’automobile grâce à ce nouveau système de transport en rocade efficacement maillés avec les autres modes de déplacements. »

Ce discours purement qualitatif ne devrait convaincre personne tant qu'il n'est pas assorti d'une évaluation chiffrée. L'EPAPS a sûrement les moyens d'en faire une ; peut-être l'a-t-il faite et les résultats n'étaient-ils pas ceux escomptés… Lorsqu'on l'interroge à ce sujet, l'EPAPS renvoie vers l'étude de décembre 2018, adressée aux collectivités territoriales en mars 2019 par Île-de-France Mobilités, dont nous avons démontré qu'elle est basée sur des chiffres délibérément faux dans le but de disqualifier une liaison par câble entre Orsay et le secteur de Moulon. Bref, tout ceci manque de sérieux et relève plutôt de la « post-vérité ».

Il est par ailleurs instructif de lire les avis contribués par le CEA de Saclay. Ils laissent croire qu'un grande partie des salariés du CEA et des ses partenaires pourrait bénéficier de la Ligne 18 et c'est ce qui était déjà affirmé dans le cahier d'acteur soumis par le CEA au débat public sur le « Grand Huit » fin 2010 :

 Extrait cahier acteur CEA Saclay 12 2010

Un zoom sur la carte figurant dans cet encadré suggère plusieurs observations.

  • Les lieux de résidence des salariés du CEA sont extrêmement dispersés, parfois éloignés de plus de 80 km de Saclay. C'est typique de pôles d'emplois hyper spécialisés, on retrouve le même phénomène dans les pôles aéroportuaires de Roissy CDG et d'Orly. Il est très difficile d'organiser le transport pour ce type de main-d'œuvre. C'est pourquoi le CEA exploite 35 lignes de cars de ramassage, qui marquent au total quelque 400 arrêts, mais ne transportent que 800 personnes par jour (soit 10,7 % des 7500 salariés). Il est évidemment impossible de remplacer cette flotte de navettes par une seule ligne de transport linéaire.
  • De nombreux salariés du CEA se sont installés dans le bassin d'emploi local qui s'étend d'Antony au nord jusqu'à Gif-sur-Yvette et Les Ulis au sud. Pour certains d'entre eux la Ligne 18 aurait un intérêt, mais celle-ci ne servirait à rien pour tous ceux, bien plus nombreux, qui habitent au sud du CEA ; ces derniers seraient beaucoup mieux servis par des moyens de transport de proximité, tel un téléphérique reliant la vallée de l'Yvette au plateau.
  • On trouve également une certaine concentration de salariés du CEA dans le sud de Paris et dans la banlieue adjacente. Leurs domiciles sont bien plus proches du tracé du RER B que de celui de la Ligne 14. Pour ces personnes, emprunter les lignes 14 et 18 serait moins efficace que de prendre le RER B et un moyen de rabattement, cela d'autant plus que la gare CEA Saint-Aubin se situerait à 1,5 km de l'entrée nord du CEA et à 1,2 km de l'entrée est.

Au total, le nombre de salariés du CEA pour qui la Ligne 18 serait réellement bénéfique semble assez faible. Le personnel du CEA et de ses partenaires représente environ 10 % de la main-d'œuvre du campus Paris-Saclay et il n'est pas certain que ce soit un échantillon représentatif de l'ensemble des usagers de Paris-Saclay. On peut cependant s'attendre à ce que des chercheurs travaillant sur le campus et actuellement domiciliés à l'extérieur chercheront à se rapprocher de leur lieu de travail comme cela s'est produit naguère pour les salariés du CEA. D'où l'importance de développer les mobilités de proximité plutôt que d'encourager les déplacements lointains. Outre la solution du téléphérique déjà évoquée, la solution CarLina, plus légère (à tous points de vue, y compris financier et énergétique) et néanmoins plus versatile et plus performante,  constitue une opportunité unique pour répondre, de façon économiquement viable, à ce besoin de transport local en zone périurbaine – pourvu que les collectivités territoriales se décident au moins à lui accorder le bénéfice du doute.

 

Il n'est pas trop tard pour éviter le désastre ! 

Malgré notre scepticisme sur la pertinence du projet Paris-Saclay, nous avons fait depuis dix ans des propositions constructives de solutions de desserte, à la fois moins onéreuses et mieux adaptées aux besoins réels ; les propositions faites lors des Assises de la mobilité de novembre 2017 et l'article publié dans le magazine Liaison de janvier 2019 en témoignent. Cependant, nous rencontrons une obstruction systématique – et à notre avis irresponsable – de la part de différents élus, en particulier d'Île-de-France Mobilités, dont la présidente préside également l'EPAPS et considère que l'attractivité de Paris-Saclay nécessite un moyen de desserte prestigieux. En accord avec l'avis de Jacqueline Lorthiois cité ci-dessus, nous estimons, au contraire, que la « ville nouvelle » Paris-Saclay (35 000 habitants) n'a rien à gagner de liaisons rapides avec des territoires avec lesquels elle n'a que très peu de rapports, puisque cela aboutirait à en faire une « ville dissociée » (ceux qui y habitent travaillent ailleurs et ceux qui y travaillent habitent ailleurs).

Il ne serait pas absurde que le manque de crédibilité de la nouvelle évaluation socio-économique motive la commission d'enquête à formuler un avis défavorable ou avec de fortes réserves, ce qui serait susceptible d'entraîner la remise en question de la pertinence de la ligne 18. Cela n'a pas empêché la SGP de signer, avant même l'ouverture de cette enquête publique, un marché de près de 800 M€ pour le génie civil de la ligne 18. Ce procédé nous semble abusif et potentiellement préjudiciable pour l'intérêt général comme pour l'intérêt privé des sociétés concernées.

Sur un plan plus général, dans le contexte actuel de dépression économique qui prendra de longues années à se résorber, il nous semble assez incongru que la SGP puisse continuer d'accumuler une dette dont la Cour des comptes a averti qu'elle risque d'être perpétuelle donc in fine de venir à la charge de l'État, comme cela a été le cas pour SNCF Réseau. À l'heure où Île-de-France Mobilités se retrouve en situation de cessation de paiement, il serait plus raisonnable de réorienter une partie du financement de la SGP vers l'exploitation et la régénération du réseau existant, comme cela a déjà été fait pour le RER E (EOLE).

 

Post-scriptum : recours associatif
14 juin 2021

La commission d'enquête ayant rendu un avis favorable, ouvrant la voie au décret de déclaration d'utilité publique n° 2021-26 du 14 janvier 2021 modifiant le décret initial n° 2017-425 du 28 mars 2017, un groupement d'associations a déposé un recours sommaire en Conseil d'État le 15 mars 2021, suivi d'un mémoire complémentaire le 14 juin 2021.

Ce recours est porté par huit associations et unions d'associations : France Nature Environnement Ile-de-France (FNE IdF), Union des associations de sauvegarde du plateau de Saclay et des vallées limitrophes (UASPS), Union des amis du Parc naturel régional de la Haute vallée de Chevreuse (UAPNR), Essonne Nature Environnement (ENE), Les Amis du Grand Parc de Versailles (AGPV), Les Amis de la vallée de la Bièvre (AVB), Les Jardins de Cérès-AMAP, Union Renaissance de la Bièvre.

Il porte sur différents défauts du dossier d'enquête, tels l'absence du rapport de la contre-expertise mandatée par le SGPI ; la non prise en compte des préconisations du SGPI, de France Stratégie et de la Direction générale du Trésor d'évaluer les solutions alternatives pour le cas où la ligne 18 ne serait pas construite ; la valorisation excessive non justifiée des avantages dits « non conventionnels » (en particulier les « effets d'agglomération » et les « emplois créés ») ; le manque de démonstration de l'utilité, voire la non nocivité, du tronçon Saclay-Versailles.

L'annulation du décret n° 2021-26 devrait entraîner celle du décret n° 2017-425.